Le groupe de rock Police l'a chanté, l'Histoire a fait le reste: le "Message in a bottle" enterré par un sous-officier américain en 1918 et retrouvé lors de fouilles archéologiques en 2004 à Messein (Meurthe-et-Moselle) a été communiqué à sa famille, au Texas, 90 ans plus tard.
A l'origine de cette belle fable, "Tante Pete", d'Oklahoma City, envoie le 15 février 1918 une missive à son neveu, le sergent Morres Vickers Liepman, mobilisé dans l'Est de la France pour la Première guerre mondiale.
"En fait, la tante Pete s'appelait Luna. Mais il était très courant pour une fille à cette époque-là de porter un surnom de garçon", explique Cecil-Joseph (C.J.) Liepman, le petit-fils du sergent, dans un entretien téléphonique au Texas avec l'AFP.
Luna narre au militaire les vicissitudes que la guerre inflige à une femme aisée: il est "presque impossible d'obtenir de l'aide domestique de quiconque" et "ceux que l'on peut encore embaucher risquent d'être enrôlés à tout moment", "tout un tas de noirs (devant) partir demain", observe-t-elle.
"Tante Pete" regrette aussi la censure qui conduit l'armée à découper les lettres de son neveu. Elle lui raconte enfin les chaussettes qu'elle tricote ou encore les progrès du petit Louis en français.
La missive se révèle finalement très banale. Sa destinée l'est bien moins. Roulée dans une bouteille de bière solidement refermée puis enterrée, elle va sommeiller paisiblement durant 86 ans. Des fouilles préventives menées sur le site de Messein la feront ressurgir en avril 2004.
"Ca s'est passé par un matin brumeux de printemps lorrain", se souvient Marilyne Prévot, archéologue à l'Institut national de recherches archéologiques préventives. "J'ai d'abord cru que c'était une blague", convient-elle.
Rapidement, la bouteille est époussetée, son goulot brisé et la lettre, "en parfait état", sortie et lue, selon Mme Prévot. "On était comme des gamins. Même si notre quotidien est de retrouver des vestiges du passé, là c'était inédit."
Les quatre feuillets de "Tante Pete" sont envoyés pour restauration aux Archives nationales. L'histoire est finalement rendue publique quatre ans plus tard, le 6 février dernier. Un quotidien britannique reprend l'histoire. Le web s'en saisit. Et les petits-enfants du sergent Liepman sont rapidement retrouvés.
On apprend alors que le sous-officier, démobilisé en 1919, avait des talents d'artiste, qu'il s'est de nouveau engagé pour la Seconde guerre mondiale et qu'il est mort à 84 ans à Fort Worth (Texas) en 1980.
"Mon grand-père ne parlait pas beaucoup de son expérience de guerre. Cette histoire nous l'a fait connaître. On a ainsi su qu'il se trouvait dans la même division que le futur président (Harry) Truman", se réjouit son petit-fils C.J. Liepman.
"Pour cela, sa famille est heureuse qu'il ait enterré la bouteille", poursuit-il, ajoutant: "J'espère qu'il a aussi apprécié la bière!"